le gros monde...

le gros monde veut me vendre une église

des habits neufs

de beaux chapeaux

 

le gros monde veut me border

de fleurs   de lampadaires

de taxes foncières

 

le gros monde dit connaître le danseur

il souhaite qu’il jongle

qu’il amuse   qu’il performe

 

le gros monde hait tout ce qu’il est

sa race   sa foi   son histoire

tout ce que tu représentes

 

le gros monde a des plans

il veut oublier   effacer

tout ce qu’il ne peut vendre

 

mais au cœur de la vallée gronde

la colère de la vérité :

 

« rappelle-toi  l’odeur de la terre

lorsque chantent les femmes »

 

« rappelle-toi  le chant du tonnerre

lorsque frappe le printemps »

 

« rappelle-toi  tatoué sur des poings de sang

tu es la hache de ton père »

 

*

 

une terre cadavérique

bordée d’édits

d’interdits

de règles qui mentent

 

une terre rêche

engraissée au mépris

à l’arrogance

à la folie

 

un corps de réserve gît

sous un soleil

de minuit

moins une

 

*

 

et puis ce n’est plus

nous

nos fautes     nos errances

nos pas erratiques sur le sentier

 

ce n’est plus nous

dansant en rond

chantant en chœur

 

ce n’est plus nous

les gardiens

 

*

 

au cœur de la forêt des Têtes-Coupées

un silence imposé

Grand Frère Soleil n’y pose plus les yeux

 

que sont devenus

nos guerriers d’hier ?

où se terrent les mots chuchotés

de nos mères     nos filles ?

 

mon

pays    perd    pied

ses racines se travestissent en souches

pourrissent dans l’ombre

loin du regard de Petite Tortue

 

*

 

mes doigts s’acculent contre l’argile

façonnent mes rêves un peu trop ouvertement

mes mains s’enracinent

mes os s’articulent en trompette

 

sur la terre des souvenirs

je pleure une ascendance

un passage vers l’absolu

1. Qui est « le gros monde » dans ce poème ? Que cherche-t-il à imposer ?

 

2. Identifiez les éléments culturels, valeurs ou références culturelles sous-entendues dans le texte.

 

3. Réalisez une brève recherche sur le mythe de l’origine du monde chez les Hurons-wendat. Petite Tortue est nommée, quel est son rôle dans le mythe de la création ? À quoi fait-on référence quand on parle de : l’île de Grande Tortue ?

 

4. De quoi le « nous » est-il dépossédé dans la troisième partie du poème (strophes 13, 14, 15) ?

 

5. En quoi les deux dernières strophes expriment-elles à la fois des images positives et négatives ?

 

6. Visionnez la lecture de Louis-Karl Picard-Sioui lors du Festival Présence autochtone 2017 (minutes 2:30 à 4:00).

  • D’après vous, en quelle année la Loi sur les langues officielles du Canada a-t-elle été mise en vigueur ? Du point de vue d’une personne des Premières Nations, quel est l’effet de cette loi ? 
  • « Mon pays ce n’est pas l’hiver… c’est un territoire occupé ! » Laissez ces sentiments monter et discutez-en pour cerner le malaise que les Premières Nations vivent et ont vécu depuis les grands bouleversements de leur monde. 

 

Activité d’écriture
Si votre mode de vie et vos valeurs étaient menacés, qu’écririez-vous aux strophes 7-8-9 pour garder espoir, ne rien oublier d’avant ? Écrivez un poème qui commence par : « rappelle-toi… »

 

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Section « Pour aller plus loin » rédigée par
Référence bibliographique

Louis-Karl Picard-Sioui, « le gros monde… », De la paix en jachère, Éditions Hannenorak, 2012.

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